Néstor Basterretxea, le design indémodable

L’architecte et critique Juan Daniel Fullaondo l’appelait “le kaléidoscope”. Et pour cause, Nestor Basterretxea a excellé à la fois en peinture, dessin de publicité, sculpture, design de meubles et même cinéma. Comment cet artiste est-il devenu un pionnier du design industriel de son époque ? Retour sur la carrière multifacettes d’un artiste étonnant.

L’architecte et critique Juan Daniel Fullaondo l’appelait “le kaléidoscope”. Et pour cause, Nestor Basterretxea a excellé à la fois en peinture, dessin de publicité, sculpture, design de meubles et même cinéma. Comment cet artiste est-il devenu un pionnier du design industriel de son époque ? Retour sur la carrière multifacettes d’un artiste étonnant.

Il y a quelque chose de frappant dans les premiers meubles que Basterretxea a dessinés pour l’industriel et mécène Juan Huarte Beaumont. On est en 1957, et pourtant, ils n’ont pas d’âge. Leurs lignes épurées sont intemporelles. C’est de la géométrie pure, avec un certain goût du risque.

On pense au fameux Divan H, avec sa longue assise tubulaire posée sur une structure en acier noir. Ou à la table d’appoint dont deux pieds, en décalage par rapport aux autres, testent les limites de l’équilibre.

En fait, la carrière et même la vie entière de Basterretxea ont formé un jeu d’équilibriste. Entre un pays natal et des terres d’exil, entre plusieurs disciplines artistiques, entre création artistique et production industrielle, entre racines basques et ambitions internationales.

Néstor Basterretxea, Julio Amóstegui et Fernando Larruquert sur le tournage de 'Ama Lur', documentaire considéré comme fondateur du cinéma basque. 1965 © José Julián Bakedano

La trajectoire d’un artiste polyvalent

La jeunesse de Nestor Basterretxea est marquée par l’exil. Né en 1924 à Bermeo, il quitte la Biscaye pour Saint-Jean-de-Luz à l’âge de 12 ans pour fuir la guerre civile. L’occupation allemande contraint la famille à s’exiler. Ils embarquent pour l'Argentine et subissent plus d'un an de ballottages au large de l'Afrique et de l'Amérique latine.

Là, à Buenos Aires, Basterretxea se lie d’amitié avec le sculpteur basque Jorge Oteiza et il étudie la peinture auprès d’un peintre néo-cubiste.

Lorsqu’il regagne Madrid en 1952, il est sélectionné pour réaliser la fresque qui ornera la nouvelle basilique d’Arantzazu, en Gipuzkoa. Jugée trop avant-gardiste, elle est recouverte par les autorités ecclésiastiques.

Basterretxea passe alors à la troisième dimension à travers la sculpture et surtout, le design industriel. Huarte, convaincu par les meubles graphiques aux lignes droites et futuristes que Basterretxea a imaginés pour son appartement personnel en 1957, fera de lui le designer principal de sa marque de H Muebles.

Le studio de Basterretxea dans la maison atelier d'Irun, 1960. © Archivo Municipal de Irun

'Homenaje al Árbol de Gernika', 1979. Vitoria-Gasteiz. © erredehierro

© Famille Basterretxea

"Colombe de la paix", 1998, Donostia. © erredehierro

La sculpture "Izaro", trônant sur le parlement basque à Vitoria-Gasteiz

Photo publicitaire de mobilier Espiral. © Archivo Municipal de Irun

Échiquier et pièces d’échecs, 1967. © Archivo Municipal de Irun

Néstor Basterretxea durant le tournage du court métrage "Pelotari", en 1964. © Archivo Municipal de Irun

"Hommage aux pécheurs morts en mer", 1971, Pasaia. © erredehierro

Une trace indélébile sur le design industriel moderne

Un an plus tard, Basterretxea et Oteiza dessinent et construisent, avec l’architecte Luis Vallet, la maison-atelier de leurs rêves à Irun, au bord de la Bidasoa. En 1960, il fonde la boutique de meubles Espiral, à Donostia. S’y vendent les nouvelles créations de Basterretxea, tout aussi modernes qu’à l’époque “H” mais dans un style plus fluide, aux influences scandinaves et japonisantes.

À partir de 1962, Basterretxea dessine des dizaines de meubles pour Biok, dont l’ambition est de concurrencer l’Italie sur la scène du design international. L’artiste atteint une renommée internationale en tant que designer.

Mais dans les années 1970, c’en est trop. Trop industrielle, trop internationale, sa carrière, lui semble-t-il, doit prendre un autre tournant. C’est l’époque où Basterretxea cultive plus que jamais son attachement au Pays Basque. Il se consacre à la sculpture, à travers laquelle il explore les traditions, la mythologie et l’histoire.

On lui doit, entre autres, la série Cosmogonique basque, dont les formes cubistes et modernistes sont taillées dans un chêne dur et immuable. On lui doit aussi le Monument national du berger basque, qui surplombe l’université de Reno, au Nevada, et dont le style abstrait, cher à Basterretxea, a suscité la polémique à son inauguration en 1989.

Néstor Basterretxea et Jorge Oteiza avec la maquette de la Fondation Sabino Arana et la sculpture Cubos abiertos, espacios interiores, retenciones de luz, 1979. © J. García Koch / Archivo del Museo Jorge Oteiza

Alki réédite une création emblématique de Basterretxea

Soixante ans plus tard, les meubles Basterretxea n’ont pas pris beaucoup de rides. Exposés dans les musées, vendus aux enchères, ils ont aussi toute leur place dans les intérieurs du XXIe siècle.

Mieux : aux côtés de la famille Basterretxea, Alki ressuscite en 2025 une création iconique de l’artiste. Fidèle à ses formes avant-gardistes, mais dans des couleurs plus audacieuses encore, cette pièce vous sera révélée très prochainement.

Crédits photos : Famille Basterretxea - J. García Koch - Archivo Municipal de Irun - erredehierro - Mito

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