Le groupe Mondragon est basé en Gipuzkoa dans la ville du même nom comptant 25 000 habitants. C’est un conglomérat de plus de 100 coopératives et de 130 filiales comptant au total près de 80 000 travailleurs dont les trois quarts sont sociétaires. Elle est de nos jours considérée comme la plus grosse coopérative ouvrière du monde.
Tout commence en 1943, quand le père José María Arizmendiarrieta, qui venait d'être nommé vicaire de la paroisse de Mondragon, monte une école de formation professionnelle en sidérurgie gérée démocratiquement. En 1955, cinq jeunes diplômés de l'école créent la première entreprise coopérative nommée ULGOR qui deviendra plus tard Fagor Electrodomésticos. Autour de cet exemple de succès, beaucoup d’autres coopératives se créent et forment le groupe Mondragon.
Très vite, les coopérateurs se rendent compte qu’il leur faut se doter d’un outil financier autonome pour pouvoir se développer et investir dans de nouvelles activités. D’autant que les banques espagnoles voyant d’un très mauvais oeil cette initiative refusent de leur accorder des crédits. En 1959, ils créent donc une coopérative bancaire : la Caja Laboral Popular (Caisse populaire du travail).
La même année, le ministère du travail espagnol exclut les coopérateurs de Mondragon du régime de la sécurité sociale en raison de leur statut de travailleurs propriétaires. Qu’importe, un organisme indépendant de sécurité sociale et de financement des retraites voit le jour : Lagun Aro (L’ami de tous).
La formation reste tout le long au coeur du système. Dans les années 1990, la vieille école polytechnique se transforme en l'Université de Mondragón. Elle accueille aujourd’hui plus de 4000 étudiants.
À l’inverse d’un groupe capitaliste organisé autour d’une holding qui détient des filiales, les coopératives sont associées entre elles, partagent une partie de leur bénéfices pour aider celles qui sont en difficulté et financer les structures de formation, d'investissement ou de recherche. Les coopératives restent souveraines et peuvent rejoindre ou quitter le groupe à tout moment.
Au sein de chaque coopérative, les travailleurs doivent débourser un an de salaire pour pouvoir devenir sociétaires. Ils participent ainsi pour beaucoup au capital de la coopérative. En contrepartie, les sociétaires ont droit à tous les avantages du groupe Mondragon (banque, sécurité sociale, structures éducatives), ils participent aux décisions de l’entreprise (un sociétaire = une voix) et touchent des dividendes lorsque celle-ci fait des bénéfices.
Lorsqu’une coopérative rencontre des difficultés économiques, les employés acceptent des réductions de salaires plutôt que d'être licenciés. Lorsque la situation se détériore plus sérieusement, les employés en sureffectif sont formés et reclassés dans d'autres coopératives du groupe.
Cependant, tout n’est pas rose dans ce compte de fées. En témoigne le dépôt de bilan en 2013 de Fagor qui est venu remettre en question plusieurs principes fondateurs. En premier lieu, le principe de la solidarité entre coopératives. Après avoir déboursé ces dernières années plusieurs centaines de millions d’euros pour soutenir Fagor qui était très endetté, les autres coopératives ont fini par lâcher le « monstre », redoutant un effet boule de neige qui aurait affaibli l’ensemble du groupe.
Malgré cela, le fonctionnement du groupe Mondragon est incontestablement digne d’intérêt: un groupe qui a créé sa propre banque et système de sécurité sociale, qui pratique la démocratie directe, qui est indépendant vis-à-vis de la bourse, qui s’implique énormèment dans le développement local, qui pratique la limitation de l'écart des revenus (de 1 à 6) ainsi que la mise au service du capital pour l'entreprise plutôt que l'inverse.